Pourquoi devrais-je financer des crédits carbone pour améliorer le recyclage en France à 50€ / tCO2, alors que je pourrais financer des projets pour 3€ / tCO2 ?
Pourquoi y a-t-il une différence entre les prix des crédits carbone ?
L'échelle des prix des crédits carbone
Crédit carbone et protocole de kyoto
Le crédit carbone a été mis en place pour aider les pays engagés dans le protocole de Kyoto à tenir leurs promesses. Les industries concernées par la pollution proposent leurs projets pour réduire l'émission de gaz à effet de serre (GES). Une unité de réduction certifiée des émissions, URCE, crédit-carbone, ou quota-carbone (en anglais Certified emission reduction unit, CER), parfois REC (acronyme de « Réduction d'émissions, certifiées »), est une unité nouvelle créée dans le cadre du protocole de Kyoto qui contraignait ses signataires à limiter les émissions de six gaz à effet de serre (émissions calculées en équivalent CO 2) en quatre ans, de 2008 à 2012. Les crédits carbone sont une véritable monnaie de lutte contre le réchauffement climatique.
L'échelle des prix des crédits carbone
Cependant, le prix pour un crédit carbone est une épineuse question. Voici quelques éléments de contexte :
- 27€ : prix moyen du crédit carbone du Label Bas Carbone en 2020, majoritairement des projets forestiers et quelques agricoles, tous en France
- 120€ : prix moyen d'un crédit carbone dans les pays scandinaves
Nous pouvons donc dire que nous faisons face à un marché du crédit carbone où l'indicateur prix est encore peu mature !
Les raisons des différences de prix des crédits carbone
Les projets de séquestration ont pour objectif une réduction directe de la quantité de CO2 présente dans l'air grâce à la préservation et l'accroissement des “puits de carbone”. La séquestration de carbone est en général naturelle mais elle peut être également industrielle.
Quelles sont les conséquences d'acheter des crédits carbone à bas coût ? Les crédits carbone à 3€ par exemple n'ont aucune raison d'avoir un impact significatif dans le temps ni de participer concrètement à compenser nos émissions de gaz à effet de serre durablement.
2 options pour ce type de crédits carbone :
- Les projets financés ne correspondent pas à un réel projet tangible et utile.
- Le projet n'a pas les ressources pour être entretenu correctement.
En guise d'exemple, l'Ethiopie avait été ouvertement critiqué pour avoir laissé mourir près de 80% des arbres prévus dans un projet de reforestation.
Les projets dans les pays émergents coûteront toujours moins chers, en coûts opérationnels, que dans les économies les plus développées. Toutefois, sans réduction drastique des émissions de dioxyde de carbone des pays les plus développés, et donc les plus émetteurs, aucun effort de reforestation ne sera suffisant pour parvenir à réduire significativement nos émissions de gaz à effet de serre et respecter les engagements pris lors du protocole de Kyoto (sauf à planter des arbres sur un quart des surfaces émergées du globe tous les 100 ans). De plus, il faut prendre en compte, le décalage temporel lors de la création des forêts. Une forêt peut arriver à maturation en 40 ans alors que la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre doit être effectuée immédiatement.
Les crédits carbone de réduction d'émissions dans les pays développés sont donc plus chers, mais il est vital de les financer pour inverser la courbe du réchauffement climatique et respecter les engagements pris lors du protocole de Kyoto.
Entre 3€ et 770€, quel est le bon prix pour un crédit carbone ?
Le juste prix du carbone dans le monde
La Commission de Haut Niveau sur les Prix du Carbone a publié un rapport sur le sujet du prix d'un crédit carbone. Parmi ces experts, la Commission est présidée par le prix Nobel d'Economie Joseph Stiglitz, et comporte notamment Gaël Giraud, ancien économiste en chef de l'AFD, le directeur du China Carbon Market Maosheng Duan ou encore le vice-président du GIEC Youba Sokona. Le résultat est cristallin :
“La présente Commission conclut que le niveau de prix explicite du carbone compatible avec l'atteinte des objectifs en température de l'Accord de Paris est d'au minimum 40 à 80 dollars par tonne de CO2 en 2020”.
Le bon prix du carbone en France
Commissionné par le Commissariat Général au Développement Durable, rattaché au MTES, le rapport Quinet est tout à fait explicite et “conclut à une valeur de 54 euros / tCO2 en 2018, 87 euros / tCO2 en 2020”. Nous avons fait la partie “simple” à savoir décarboner l'électricité, qui ne nécessitait “que” de construire, entre autres, 56 réacteurs nucléaires; le plus dur reste donc à venir pour le marché des crédits carbone.
Mais pourquoi le prix d'un crédit carbone doit-il être si haut ? Le prix d'un crédit carbone dépend nécessairement des sous-jacents du projet écologique. Et sans un prix élevé, les intérêts pour le côté émetteur et le côté solutions bas carbone, sont trop limités. À l’inverse, avec un prix du carbone élevé, la donne change :
- Côté émetteur, il incite à se décarboner plus rapidement.
- Côté solutions bas carbone, il accélère le développement de solutions faiblement carbonées, encore en dessous du seuil de rentabilité.
Je prends un exemple :
- A 10€ la tonne, vous pouvez vous donner tranquillement bonne conscience en payant 20€ pour aller voir les New York Knicks au Madison Square Garden.
- A 87€ la tonne, l'addition passe à 174 €, ce qui est nettement plus engageant.
Conclusion : si vous voulez être 100% cohérents, offrez-vous de beaux crédits carbone à 87€, et surtout ne descendez pas en dessous de 40€ le crédit carbone car sinon c'est contreproductif.
Comment ce marché du crédit carbone va t'il évoluer ?
Le système de crédits carbone a été développé par le protocole de Kyoto et a pour rôle d'orienter les entreprises vers la lutte contre le réchauffement climatique. Chaque entreprise se voit attribuer un certain nombre de crédits carbone, qui lui sont propres et qui correspondent à ce qu'elle peut émettre en termes de CO2. Si l'entreprise, ayant réduit ses émissions, possède un excédent de crédits, elle peut les mettre en vente sur le marché du carbone.
Le rapport de la Commission de Haut Niveau précise que les prix mondiaux d'un crédit carbone devront s'établir entre 50 et 100€ / t en 2030. Le rapport Quinet est bien plus précis, car congru au territoire et aux enjeux français, et indique des prix de 250 euros /tCO2 pour un crédit carbone en 2030, 775 euros /tCO2 en 2050 pour un crédit carbone!
On observe déjà cette montée drastique pour les quotas du marché obligataire européen : 8€ en 2014, 16€ en 2018, 80€ en 2020 ! Les prix attendus sont aux alentours de 100€ en 2030.
Que reste-t-il à faire ? Avec un cadre réglementaire qui s'intensifie, une pression des clients, employés et partenaires sans cesse accrue, il faut accélérer sur la décarbonation de notre société à vitesse grand V pour lutter concrètement contre le réchauffement climatique.
Cela passe notamment par la mise en place d'un Prix Carbone impactant dans toutes les organisations. Cette notion de prix carbone doit permettre de répondre aux 3 enjeux cruciaux suivants :
- Sensibiliser massivement votre écosystème au bon prix environnemental de toute activité pour un changement rapide de mentalité.
- Inciter à la réduction via un signal prix fort, pour pousser à la sobriété et rendre rentables des usages aujourd'hui embryonnaires.
- Faire émerger les solutions bas carbone de demain, en finançant les solutions bas carbone dans votre secteur d'activité dont nous avons tous besoin, pour aider leur déploiement.
Les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent toujours intervenir avant de compenser son empreinte carbone . C'est le meilleur moyen de lutter contre le réchauffement climatique à son échelle. Cependant, une fois ses émissions de gaz à effet de serre réduites au maximum, acheter des crédits carbone à un bon prix, permet de lutter activement contre le changement climatique.
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